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Et si le covid-19 tuait aussi les acteurs du Street Art ?

Le sensible est au cœur de nos métiers et devient intelligible par la force des idées. Alors osons dépasser le visible dont nous abreuve le quotidien et laissons s’exprimer la sensibilité.

Temps de lecture : 25mn

 

Je prends rarement la parole publiquement.

Aujourd’hui, le temps disponible aidant, je partage l’état de mes réflexions sur le monde du street art, secteur auquel je participe activement depuis quelques années.
Bien évidemment ce texte n’a aucune prétention économique ou scientifique et n’est en rien prophétique. Il s’agit plutôt d’exposer et d’envisager comment le microcosme qui s’est constitué autour de ce que je nomme ici indifféremment street art ou art urbain pourrait se disloquer à l’issue de cette crise sanitaire soudaine et inédite.

Je formule de nombreuses questions et hypothèses, certaines seront partagées, d’autres paraîtront surprenantes, farfelues, fausses, irréalistes, pessimistes et que sais-je encore. L’essentiel n’est pas dans nos opinions, mais dans notre capacité à nous enrichir mutuellement de nos points de vue.

Pour ceux qui ne liront pas intégralement ce qui suit, je liste ci-après un résumé, non exhaustif, des hypothèses que j’avance et développe dans ce long post.

  • Les galeries ne résisteront pas à la crise, sous capitalisées et coupées pendant plusieurs mois de revenus qui ne seront jamais compensés.
  • Les artistes, privés d’une partie de leurs revenus, galerie et commandes publiques, ne pourront plus vivre de leur art.
  • Le street art deviendra moins visible et moins attractif, affaibli par la disparition massives des acteurs qui le font.
  • Les collectionneurs passeront d’une posture d’achat à une volonté de vendre, avec de grosses déconvenues pour certains investisseurs.
  • Un afflux d’œuvres sur le marché verra mécaniquement leur cours s’effondrer, jusqu’à ne plus se vendre.
  • Le recrutement de nouveaux amateurs et collectionneurs ne sera pas suffisant pour compenser l’érosion massive qui s’annonce.
  • Sans le financement de leurs publications par les galeries, les éditeurs n’auront plus d’annonceurs et les informations sectorielles ne seront plus relayées.
  • Le street art, avant la crise, est un marché déjà saturé.
  • Les marques qui surfaient sur la vague street art se désengageront.
  • Des contreperformances aux enchères sont à attendre.

Je voudrais aussi être clair, car il ne s’agit pas de se tirer une balle dans le pied ou de mordre la main qui vous nourrit (j’adore l’imagerie des expressions populaires), mais plutôt d’ouvrir un débat, et peut-être alerter sur des signaux que nous ne percevons et n’interprétons pas tous de la même façon… quand nous les percevons.

Et puis, au-delà de toutes les remarques que je formulerai dans ce post, il faut avoir conscience que les artistes seraient les principales victimes de l’effondrement du marché du street art. Et de tout temps, dans toutes sociétés, voir des artistes se taire n’est jamais un bon signal. Et pour les street artistes si l’expression dans l’espace public perdurera, ils ne disposeront plus des mêmes conditions pour exercer leur art. Vigilance.

J’attends bien évidemment vos commentaires, remarques, idées et tout ce qui contribuera à pousser la réflexion au-delà des murs de nos certitudes.

Joël Knafo

Une crise bien plus grande que nous.

Lequel d’entre nous, eut un jour imaginé que l’infernale machine de l’économie, dont nous sommes les combustibles, se gripperait aussi rapidement et brutalement ?
Au-delà de nos activités culturelles, cette crise interroge tout un système, avec notamment des questions sous-jacentes de sens et d’essentiel.

Les priorités semblent redéfinies, pour un temps au moins, celui de la pandémie. Et puis, quel après ?
Serons-nous différents après le passage de ce tsunami viral ?
Les réponses seront multiples, et pour qu’elles soient collectives, elles devront émaner d’une volonté, voire d’un dictat politique.

Qui aurait imaginé que nous tolérerions si facilement des privations de certaines libertés fondamentales, sans manifestation, sans protestation ?
Inimaginable est le mot qui revient, à égalité avec improbable.
Et pourtant, nous acceptons de nouvelles règles, malgré de nombreuses injonctions contradictoires.

Qui peut bien comprendre et bien agir quand dans un même souffle nos dirigeants encouragent à voter et décrètent le confinement, quand la principale consigne est de rester chez soi mais que le déplacement de dizaine de milliers de personnes est recommandé pour aider nos agriculteurs ?

Délicat quand une crise surgit ainsi de tenir un cap, surtout si celle-ci pousse chaque jour les portes de l’inconnu.
Et nous verrons aussi très certainement que plusieurs messages, autour du port du masque pour tous ou de la détection systématique des malades, n’avaient pour seuls objectifs que de « masquer » le manque de préparation et l’insuffisance des moyens de prévention.

Quelles seront les priorités des gouvernements au sortir de cette crise ?

Et pour finir, nous vivons une campagne de culpabilisation massive des citoyens qui par des « comportements inappropriés » n’ont fait que traduire l’inconsistance de directives contradictoires.

Une rhétorique dangereuse qui désigne un coupable, le peuple dans sa globalité. Cette masse populaire que l’élite, et notamment celle du monde de l’art, sait mépriser en imposant depuis son piédestal ce qui a raison d’être aujourd’hui. Seulement, l’histoire est cruelle pour ces gourous coupés du public qui sont passés en leur temps à côté d’évolutions majeures.

Ma position m’encourage à penser que la culture et l’art sont essentiels pour faire et penser société. La période actuelle, par sa nature inédite, ne permet aucune anticipation, quels que soient les domaines.

Les décisions d’un jour peuvent être balayées par les événements du lendemain.
Ce qui semble faire consensus porte sur cette idée d’une société différente à l’issue de cet épisode. Cette hypothèse paraîtrait aujourd’hui légitime si nous étions capables d’apprendre de cette crise et d’accepter les changements profonds qui s’imposent à la société actuelle.

Je crois difficilement à la somme des volontés individuelles, aussi louables et nombreuses soient-elles. Seules des directives politiques fortes, qui font sens, permettront une dynamique de changement.
L’exemple de l’état d’urgence sanitaire et son acceptation par la moitié de l’humanité, soutient ce propos.

Des priorités à revoir, du sens à trouver et à donner voilà les nouveaux défis qui devraient animer chacun de nous.

Alors dans ce grand tumulte, un chaos pour certaines activités, où se place l’essentiel ?
La réponse des gouvernements, ici comme partout dans le monde, ne fera probablement pas de la culture une priorité.
Objectivement, nous pouvons le comprendre, mais n’est-ce pas notre condition humaine et notre sociabilité qui sont alors questionnées, affaiblies ?

Si les écoles et les professeurs tentent encore d’assurer leurs missions éducatives à distance, les espaces culturels ont tous baissé le rideau. Plus de librairies, plus de concerts, de spectacles vivants, d’expositions…
Internet pallie en partie ce manque de liens physiques, mais ne compense pas l’expérience in situ. Et puis, si les avancées technologiques s’approchent des conditions du direct, la distance qui nous sépare d’un écran est bien plus importante que celle d’un regard jeté du poulailler d’un théâtre du XVIIIème siècle.

Ce long préambule pose l’état de mon questionnement sur la survivance de notre société de consommation et bien évidemment sur le devenir de la consommation de biens culturels.

Les chiffres du secteur de la culture, tant en termes d’emploi comme de PIB sont éloquents. Et pourtant que représenteront les 3,2% du PIB et les 600.000 emplois si des décisions « vitales » pour le pays devaient être prises ?
Sans parier sur une tension de ce pan de notre économie, il semble probable que peu de décideurs verront dans les mois à venir la culture come une activité prioritaire, d’autant qu’avec moins de 1% du budget de l’état (14,2 milliards) le ton est depuis longtemps donné.

Des choix et des arbitrages seront opérés.
La culture, déjà victime d’une hiérarchie bien entretenue en France par la guerre « public/privé » jouera sa survie.
Des « experts » classeront, hiérarchiseront, selon une grille déjà en vigueur, ce qu’il est digne de sauver en se souciant peu de l’intérêt du public.
La culture est de toute évidence un des secteurs sévèrement impacté par cette pandémie et notre exception culturelle française, malade de son entregent, se relèvera difficilement des mois définitivement perdus.

L’art, une valeur refuge, mais pas pour tous !

Concernant l’art, il agira encore probablement comme valeur refuge pour les œuvres exceptionnelles.
D’ailleurs, les médias adorent relayer les performances en salles de vente et les provocations dont l’art contemporain s’est fait une spécialité. C’est à l’aune de ces informations, notamment pour les records et la perte de sens commun, que le grand public envisage l’art contemporain.

Ce marché de l’exception intrigue et fascine. Il capte l’attention et une grande part en valeur, pour un nombre relativement restreint de transactions.
Ce haut du marché sert de valeur refuge quand les crises surgissent, et à celle de 2008 ont succédé quelques records aux enchères, fortement médiatisés, il va de soi.

Mais pour 90% du marché, dont la valeur moyenne des transactions est inférieure à 5.000 euros, les réactions seront différentes. Il n’est pas certain qu’un engouement soudain pour les œuvres d’art saisisse la population qui se demandera légitimement si c’est le bon moment pour acheter.
Les reports et les annulations de réservations seront nombreux sur ce segment, ils ont déjà commencé.

Et puis que deviendra l’achat plaisir quand il n’y a ni enthousiasme, ni émulation pour acheter ?
Car l’achat d’une œuvre est généralement guidé par l’émotion. Ce devrait d’ailleurs être le premier critère de décision. Seulement, passé un certain montant, la raison reprend le pas et les acquéreurs cherchent à savoir si un second marché existe pour l’artiste. Le gain n’est alors pas vraiment important, la question principale porte sur la possibilité de revente. Et pour l’art contemporain, et le street art n’échappe pas à cette règle, beaucoup d’artistes n’ont aucun acquéreur en « seconde main ». Les collectionneurs resteront alors propriétaires d’œuvres sans aucune valeur commerciale. Une sacrée déconvenue, rarement la promesse entendue lors de l’acquisition.

De la crise sanitaire à la crise de confiance ?

Le marché de l’art est animé par deux variables schizophrènes qui agissent de pair, la croyance et la confiance. Ces fondamentaux du marché de l’art sont sévèrement ébranlés par la crise.

La principale caractéristique de la croyance est de toujours précéder les expériences.
Autrement dit, la croyance permet l’adhésion à quelque chose ou à quelqu’un sans pouvoir vérifier la véracité des faits ou des propos.
Il est donc possible d’investir plusieurs millions uniquement sur ce paramètre, car acquérir une œuvre d’art contemporain, c’est d’abord adhérer à un storytelling.
La croyance est d’autant plus forte que l’artiste vivant participe à sa légende, son histoire, son parcours, ses folies ; ses réalisations sont autant d’éléments constitutifs d’un conte moderne, d’une success story savamment scénarisée. Et ce discours est particulièrement élaboré lorsqu’il s’agit de justifier de créations souvent absconses.

Dans le street art, l’omniprésence des artistes, sur les réseaux sociaux ou lors de manifestations, véhicule une idée de proximité, de réel et de véracité qui conforte les croyances et nourrit le storytelling.
Le public, séduit par cette authenticité qui contraste avec l’image qu’il a de l’art contemporain, devient un extraordinaire média en partageant expériences, découvertes et événements.

L’amplification de cet abondant contenu est alors assurée par la capacité de l’artiste à multiplier les points de contacts avec son public. Une omniprésence en quelque sorte. Et les street artistes « performent » sur le terrain, le même que leur public, celui de la cité, celui du citoyen.

La confiance est l’autre valeur essentielle à laquelle doivent adhérer les collectionneurs :
confiance dans le marché de l’art, confiance en soi, confiance en l’avenir.
D’ailleurs, le monde de l’art multiplie les éléments de réassurance pour que celle-ci ne soit jamais altérée.
De même, l’environnement du marché de l’art est construit pour que les collectionneurs aient le sentiment d’être des « experts ». Leurs connaissances renforceront leur prestige et leur donneront les arguments pour justifier et affirmer leur choix, leur goût, leur investissement.
Ils seront d’autant plus avisés pour acheter ce qu’ils ont appris à apprécier et à comprendre. Ils agiront alors en leader d’opinion auprès de leurs cercles amicaux et professionnels. Non seulement, ils rayonneront par leur savoir, mais seront aussi les éclaireurs, ceux qui transmettent par l’initiation et l’éveil de leur entourage au monde de l’art.

De la garantie d’authenticité à l’établissement de cotes, il y a longtemps que l’art s’est organisé pour que le pilier confiance soit le plus stable possible.
Et bien évidemment, c’est tout le monde de l’art qui s’évertue à installer un sentiment de sécurité. Sa pérennité, ses performances et son prestige étant ses plus beaux atouts.

Les indicateurs croyance et confiance pour le street art étaient au plus haut avant la crise. Une incroyable vitalité d’un secteur dont le développement semblait sans limite.
L’ampleur de la crise à laquelle se confrontera le monde de l’art dépendra de la capacité des deux fondamentaux, croyance et confiance, à résister aux comportements irrationnels.

Le street art comme liant social

Le street art peut se voir comme la conjugaison de l’art et des cultures populaires. Par cette nature mêlant deux idées opposées voire contradictoires, celle du pouvoir (élitisme) et de l’ordinaire (masse populaire), il est encore trop souvent peu considéré.
Le street art fédère une partie de la population dans laquelle ne se reconnaissent pas ceux qui dénigrent la culture populaire. Les mêmes encensent l’intellectualisme de l’art et ne voient que le kitsch, le facile, le convenu dans les références du grand public.

Pourtant, avant cette crise, l’art urbain réussissait la prouesse de rapprocher autour d’une œuvre ou le temps d’une exposition des publics, évoluant dans des sphères différentes, qui ne se seraient jamais rencontrés autrement.
Cette émergence des cultures urbaines possède intrinsèquement un liant social.
Ce liant, nous en aurons vraiment besoin dans les mois à venir et pressentir l’effondrement de cette pépite est un déchirement.

Et puis, voir disparaître le street art au même titre qu’une mode passagère confirmerait la domination d’une culture savante. Cette fin sonnerait la victoire d’une « domination naturelle » des élites sur l’individu ordinaire. Désagréable idée.

Tout mouvement a ses précurseurs, ses visionnaires.

Malgré de fortes réticences, le travail entrepris depuis plusieurs années, par les convaincus de la première heure, au rang desquels Agnès B, a permis l’entrée du street art dans des institutions et les grandes collections.
Certains, devenus des leaders d’opinion, ont d’abord décloisonné le graffiti, puis œuvré pour la reconnaissance de l’art urbain en le mettant à l’honneur auprès d’un public qui ne l’aurait jamais considéré autrement.
Ils ont été aidés en cela par les performances d’artistes comme Basquiat, Keith Haring ou Banksy qui ont catapulté les pratiques artistiques urbaines au rang d’œuvres d’art incontournables et recommandables.

Cette dynamique d’ensemble attire aujourd’hui un public beaucoup plus large issu de toutes les catégories sociales, mais seuls quelques artistes ont franchi le plafond de verre qui sépare, dans l’esprit d’une certaine élite, l’art urbain de l’art contemporain.

Quels sont les acteurs du street art ?

Malgré son succès populaire et l’intérêt croissant d’institutions et de collectivités locales, le marché du street art, tel qu’il s’est structuré aujourd’hui, est toujours en quête de légitimité.
La jeunesse et le dynamisme, valeurs habituellement positives, deviennent de réelles faiblesses en cas de récession. Le modèle actuel serait rapidement déstabilisé. Si les acteurs les plus solides peuvent tenir économiquement, ce microcosme à la particularité d’être fort par la somme des entités qui le composent et la défaillance de certains peut entrainer l’ensemble dans une chute irréversible.

Actuellement, le marché du street art est constitué de structures dont les fonctions sont identiques à celles qui évoluent dans le monde de l’art contemporain.
Cependant, pour diverses raisons historiques mais aussi marketing, le street art a longtemps évolué à l’écart du marché de l’art. Il a ainsi développé ses propres réseaux et outils pour se structurer comme une niche de l’art contemporain.

 Une niche, qui aux fils des ans, a pris la forme d’une bulle.

Une image qui a du sens si l’on se réfère à la protection qu’elle a su apporter pour voir éclore ce marché en devenir. Puis, avec son évolution et ses excès, elle s’est peu à peu transformée en bulle économique.

Quels marchés offrent des rendements de 1 à 100 en quelques années voire quelques mois ?
Quels artistes peuvent se vanter de voir leurs œuvres à peine sorties de l’atelier surgir sur Ebay avec un coefficient 10 ?
Gagner de l’argent avec le street art n’a jamais semblé aussi facile.

Les amateurs avertis et les professionnels se positionnent sur tous les segments. Du print à 100 euros à l’œuvre de plusieurs centaines de milliers d’euros.
Et que dire de ces heureux acquéreurs des premières heures qui ont revendu avec un énorme bénéfice des œuvres achetées quelques centaines d’euros ?
Ces heureux gagnants existent bien. Ils sont accessibles, visibles et fiers d’avoir eu si tôt une telle intuition. Ils font et entretiennent les rêves et la légende du marché. Et c’est nécessaire et inhérent à tous les marchés de l’art.

Car le marché du street art, par l’engouement et la popularité dont il bénéficie, porte bien les caractéristiques d’une bulle, jamais les transactions n’ont été aussi nombreuses et à des niveaux aussi élevés.
Quant à savoir si cette bulle est une réalité, un scénario de sortie de crise sanitaire où de nombreux collectionneurs vendraient par contrainte ou panique pourrait malheureusement confirmer cette hypothèse.

S’il est impossible de prophétiser les comportements à l’issue du confinement, une certaine logique s’impose quand même : celle de la restriction et de la prudence.

Que deviendra la sacro sainte confiance après cet épisode du Covid-19 que personne n’a su anticiper et après lequel priorités et besoins pourraient être redéfinis ?
Concernant le street art, de nombreux collectionneurs ont acquis plusieurs œuvres et certains artistes émergents ont aujourd’hui une jolie cote. Il sera ainsi très tentant de réaliser les bénéfices latents à la sortie de cette période d’incertitude.

Parmi les collectionneurs, certains chercheront à vendre pour compenser des pertes en capital, d’autres pour faire face à des échéances. Et dans ces moments, comme pour l’achat de papier toilette, personne ne sait pourquoi il le fait, mais tous se suivent.
Un phénomène de mimétisme qui conduit à ce que chacun redoute, l’effondrement des cotes par une surabondance de l’offre concentrée sur les mêmes périodes.
Ce scénario entrainerait tout le marché à sa perte. En tout cas suffisamment fortement et durablement pour que de nombreux acteurs n’aient plus de raison d’être.

Et quel que soit le segment, Emmanuel Perrotin prédit sans blaguer au moment où j’écris ces lignes, dans un article du Journal des Arts daté du 1er avril : «Beaucoup de galeries vont fermer».
Son analyse et sa crainte sont bien évidemment justifiées et pour les galeries spécialisées en art urbain, une hécatombe n’est pas exclue.

La nébuleuse du street art

D’abord anecdotique, le street art, pour conquérir une part du marché de l’art a transformé sa terminologie en art urbain, une façon d’être plus présentable et acceptable. La prouesse était alors de faire passer les œuvres de la rue à la galerie. Face au succès de propositions artistiques en phase avec le monde d’aujourd’hui, le secteur a muté du mode amateur au monde professionnel.
Particulièrement bien structuré aujourd’hui, le street art en France dispose de tous les ingrédients pour exister et prospérer sur le marché de l’art contemporain.

Autour des artistes se sont agrégés de nombreux acteurs, institutionnels ou associatifs, des galeries, des maisons de ventes aux enchères, des éditeurs, des entreprises, des marques, des foires spécialisées… et bien sûr, le public.

Figure centrale de tout mouvement artistique, l’artiste

Même si ces derrières années de nombreux street artistes sortent d’écoles d’art, les précurseurs revendiquent l’école de la rue. Formés par leurs pairs, constitués en «crew», les artistes de l’art urbain refusent l’académisme et érigent en totem leur liberté d’investir à leur guise l’espace public.
Ces postures sont aussi à l’origine du classement du street art en culture alternative qui alors ne peut prétendre aux mêmes égards que l’art contemporain. La survivance d’interventions en « mode vandale » alimente encore les détracteurs.
Alors, face à l’ampleur du phénomène et la diversité des pratiques, le milieu s’est organisé autour et pour les artistes. Leur force a été cette capacité à constituer et fédérer une importante communauté multiculturelle et transgénérationnelle autour de leur art. La viralité des réseaux sociaux a grandement contribué à asseoir leur notoriété et leurs pratiques.

Aujourd’hui nombreux sont ceux dont la popularité est bien plus importante que ceux qui les représentent et cette particularité permet à certains de se passer d’intermédiaire, agent ou galerie. Cette spécificité pose la question simple de l’utilité de la galerie. En quoi notre travail justifie le partage des ventes ?

Etre le lien entre le collectionneur et l’artiste avait du sens avant l’avènement des réseaux sociaux, aujourd’hui cette médiation doit être complétée d’une « offre de services ». A chacun de nous de l’imaginer et de l’adapter aux artistes qu’il soutient.

D’autre part, plusieurs artistes du street art sont représentés par différentes galeries partageant une même zone de chalandise, chose rare, voire impossible dans l’art contemporain.
Outre l’effet d’aubaine pour certaines, il s’agit aussi de commercialiser une production très importante. Cette représentation multiple peut devenir problématique quand les pratiques en termes de prix et les discours divergent. De plus ces canaux multiples perturbent les collectionneurs qui s’interrogent sur la réalité des soutiens.
De nombreux collectionneurs recherchent cette caution des galeries et se sentent rassurés par l’équilibre que forme le duo artiste/galerie.
Chacun a une place identifiée, créer pour l’un, faire le lien pour l’autre.

 Un public acquis et conquis

Si un marché n’existe que par son public, le grand public est la véritable clé du succès du street art.
Cette masse puissante contribue par son intérêt, voire sa fierté à faire partie de cette grande famille, à la popularité de l’art urbain par notamment la diffusion massive d’images sur tous les réseaux.

Puis, alors que l’art contemporain brandit un intellectualisme aux codes obscurs destinés à une audience avertie, le grand public a popularisé et s’est approprié le street art, lui même partie prenante des cultures urbaines.
Un public dont les attentes sont éloignées de l’esthétique et des idées de l’art défendues par les institutions. Ces personnes qui représentent à n’en pas douter la très grande majorité des citoyens de ce pays, n’auraient jamais franchi les portes d’une galerie ou d’un musée si l’art n’était pas venu à elles. Elles seront aussi celles qui pourraient se retrouver privées d’accès gratuit à l’art si la crise actuelle détruisait le tissu en place.

Il est relativement aisé de segmenter le public de l’art urbain.
D’abord par le large public d’amateurs, celui qui prend et partage des photos, chasse les Invader, collectionne les dédicaces et qui constitue la foule des événements.
Et bien évidemment un public de collectionneurs, particuliers et entreprises, amateurs ou avertis.
Les deux publics sont essentiels à la vitalité du marché, les uns lui assurant la popularité, les autres, la pérennité.

Les acteurs agissant comme caution du street art

L’édition
Côté édition, une importante littérature est aujourd’hui disponible en librairie au sein de rayons dédiés, et plusieurs magazines, dont l’historique Graffiti Magazine, se font l’écho de l’abondante actualité en France et dans le monde. L’édition est un secteur fragile mais le street art semblait faire exception jusqu’à présent. Des éditeurs spécialisés comme Critères Edition existent et des maisons ont créé des entités et des collections dédiées à l’art urbain. Dans le contexte actuel, quelles seront en sortie du Covid-19 les priorités des éditeurs, le financement des ouvrages étant généralement envisagé avant les sorties ?
Quant à la presse professionnelle, elle semble aussi menacée.
Déjà par l’abondance des titres spécialisés, au nombre de trois actuellement, mais aussi par des changements profonds tant par la distribution, le lectorat que les modes de consommation des titres. Pour tous ces titres, le modèle de financement repose principalement sur la vente d’espaces publicitaires à des annonceurs du street art ou d’activités connexes.
Qui voudra prendre une parution dans un numéro sortant avant l’été ?
Et puis en septembre, qui pourra payer pour de l’image de marque alors que le souci sera de trouver des solutions pour compenser une partie des mois perdus ?
Le réflexe de réduire les budgets publicitaires est légitime et il y a une véritable inquiétude à voir ces acteurs péricliter. Pourtant, ils sont essentiels au monde du street art, ils apportent une dimension statutaire, tant par la caution des éditeurs que par le poids symbolique que représente un livre ou un article dans l’esprit du public.

Le street art a même redonné un coup de jeune aux éditions d’art, ces œuvres numérotées et signées par les artistes qu’il est possible d’acquérir pour quelques dizaines d’euros. Ces éditions rencontrent du succès car elles répondent parfaitement à la typologie du public de l’art urbain, souvent jeune, peu fortuné et amateur éclairé.
Que vont devenir ces éditions à l’issue du confinement si la popularité du street art et des artistes venaient à faiblir ? Les éditions d’art contribuent fortement à l’inscription d’une « imagerie street art » dans toutes les sphères de la société et un ralentissement de leur diffusion affaiblirait incontestablement la visibilité du mouvement.

Institutions et associations
Les institutions comme les fondations font progressivement entrer le street art dans les collections et organisent de nombreuses expositions. Des musées estampillés art urbain ont vu le jour, une fédération professionnelle vient de se créer, et Fluctuart, un centre d’art urbain sur la Seine a été inauguré il y a moins d’un an. Ces initiatives démontrent la vitalité et la professionnalisation du secteur.
De plus, les collectivités locales, comme les entreprises, ont bien compris l’intérêt du street art dans leur politique de communication et leur « responsabilité sociale ». Elles sont aujourd’hui des ressources essentielles pour les artistes et le tissu associatif.
Quant aux nombreuses associations, elles œuvrent chaque jour pour créer des événements et permettre au grand public de participer à cet élan culturel. Donner des codes, faire une médiation, amener l’art où il n’est pas présent font partie de leurs missions et plus généralement, elles démontrent que la peinture, la sculpture, la photographie ou l’architecture sont inhérentes à notre condition humaine.

Seulement, nombreux acteurs du secteur culturel sont fragiles par essence. Ceux qui contribuent à la constitution de l’exceptionnelle vitalité de l’offre sont pour beaucoup des travailleurs précaires, peut-être plus souvent encore des bénévoles.
Une grande part de cette économie repose sur des subventions et la question des priorités sera au cœur de toutes les politiques locales.
Impossible de prédire quelle place occupera le street art dans les redéfinitions budgétaires mais les coupes paraissent inévitables. Face à cette probabilité, l’inquiétude est réelle pour les artistes et associations, privés de cette manne, composante forte, parfois exclusive, de leurs revenus.

Pour les entreprises et marques, une des forces du street art est son intégration aux cultures urbaines, sujet hautement attractif quand il s’agit de créer des liens avec un public jeune et citadin. Quelles seront leurs priorités en sortie de crise ? Chercheront-elles à se désinvestir d’un secteur vecteur d’image uniquement ou verront-elles des opportunités pour reconquérir les consommateurs perdus pendant la crise ?

Les galeries du street art courent un grave danger

A l’image du monde de l’édition, les galeries ont peu de capitaux propres et comptent sur l’événement en cours pour financer celui passé. Ce procédé à un nom : la cavalerie.
Il fonctionne tant que les événements se succèdent. Une ou deux expositions consécutives qui ne rencontrent pas leur public et la cessation d’activité n’est pas loin.
Déjà affaiblies par une année de gilets jaunes et les grèves de décembre, les galeries vont avoir beaucoup de difficultés à surmonter la crise du Covid-19.
Au mieux, elles peuvent espérer un redémarrage en septembre et comme pour de nombreux commerces, les mois perdus le sont définitivement.
L’art repose sur des achats plaisir, des coups de cœur, l’impulsion couplée à la confiance, sont au centre du processus de décision. Ainsi, les ventes non réalisées ne seront pas compensées dans les mois qui suivront la reprise.

Pour comprendre l’inquiétude actuelle des galeries, il faut rappeler que leur activité est très saisonnière.
L’année « arty » est constituée schématiquement de trois grandes périodes de 4 mois chacune.

  • La période forte est au printemps (15 mars/15 mai) et en automne (15 septembre/15 novembre). C’est sur ces temps forts que les principales foires se tiennent.
  • Les mois creux sont sans surprise janvier, février, juillet et août.
  • Les périodes restantes sont en demie teinte.

Bien évidemment la programmation peut considérablement modifier le poids financier de chaque période. Une exposition d’un « artiste vedette » même en période creuse rencontrera du succès, le nombre d’œuvres originales étant limité, les collectionneurs seront au rendez-vous.
Autrement dit, l’activité d’une galerie d’art contemporain se réduit à 4 ou 5 mois forts, et pour beaucoup, rater une saison est souvent fatal.

Les galeries demeurent une des portes d’entrée de l’art contemporain.
Il s’agit d’espaces d’exposition en accès gratuit et probablement les lieux les plus foisonnant en termes de découverte et d’audace. Contrairement aux institutions dont la fonction de consécration est évidente, les galeries d’art contemporain agissent non seulement en découvreur de talents, mais ont aussi un rôle de soutien aux artistes en leur assurant visibilité et revenus.

Un cercle vertueux, qui permet de soutenir de nouveaux artistes, se forme après 5 à 10 ans d’activité, quand la galerie gagne en stabilité, en reconnaissance et en capitalisation.
Qu’en sera t-il donc des galeries de street art dont la très grande majorité a moins de 5 ans ?
Par quel miracle pourraient-elles survivre à une période totale d’inactivité incluant les 2 mois forts de l’année, ceux qui permettent de faire des réserves pour passer l’été ?

Les aides gouvernementales actuelles laissent peu d’espoir. Au mieux elles vont retarder de quelques mois l’hécatombe, car leur mécanisme créera de la dette, et ne compensera en rien les mois perdus.

Des pratiques bien ancrées dans le street art qui engendrent de vraies questions d’image

L’effet boomerang des réductions
Dans le monde du street-art, il n’est pas rare de rencontrer des collectionneurs manifestant leur joie à propos des 30% de remise qui leurs sont parfois accordés. Ils voient en ce geste de la considération, à quel point ils sont importants. Ce rabais est inhérent à l’expérience d’achat et ils en parlent plus que de leur acquisition.
Une telle réduction est inconcevable normalement et en tout état de cause, participe à la marginalisation du street art dans l’art contemporain en positionnant les œuvres comme des marchandises.

D’autre part, beaucoup de galeries disposent d’un important stock d’œuvres d’art, acquises ou en dépôt. Avec la crise, elles chercheront à vendre, parfois « à la casse », l’objet sera de rentrer de la trésorerie. Un afflux d’œuvres par ce canal est probable et concurrencera directement celles mises en vente par les collectionneurs. Un phénomène qui conduira à une tendance baissière, les acquéreurs pourront alors dicter leurs conditions.

La puissance des ventes aux enchères
La mise en vente d’œuvres de premier marché aux enchères, outre qu’il s’agisse d’une totale aberration, contribue fortement à la dégradation de l’image du street art.
Pour la galerie comme pour l’artiste, si la stratégie est de créer une cote artificielle en soutenant l’œuvre, pratique totalement interdite évidemment, elle est risquée et aléatoire. Le public est de plus en plus avisé et les informations circulent vite dans ce petit monde.
En réalité, seul le street art se permet de proposer des œuvres du premier marché aux enchères et il faut bien reconnaître que ce faisant, il a grandement bénéficié de l’image d’une maison comme Artcurial pour gagner ses lettres de noblesse.
Aujourd’hui, avec l’émergence de supers stars de l’art urbain et d’une hiérarchie d’artistes « bankables », les ventes se « normalisent » et proposent principalement des œuvres du second marché.Ces supers stars sont absolument nécessaires pour accroître la visibilité du domaine et toucher un autre public, les investisseurs.
Il y a cependant une totale décorrélation entre cet affichage d’œuvres échangées à des centaines de milliers d’euros et les prix d’artistes émergents. Il est vrai que de telles performances braquent les projecteurs sur le street art et attirent un public fortuné dont a besoin le street art pour se développer.
Mais attention, si dès septembre nous assistions à la vente d’œuvres majeures par des investisseurs à des prix bien en dessous de leur cote, la médiatisation de ces contreperformances accélèrerait la chute de l’ensemble du marché.

Le rôle des places de marché
Les marketplace dans l’art, comme Artsper ou Artsy, diffusent des catalogues d’œuvres d’art mis en ligne par les galeries. Il s’agit de toucher un autre en France et à l’international en se garantissant une visibilité à l’année.
Ce canal, en plein essor, garantit des ventes additionnelles dont le coût des commissions est absorbé par le budget communication des galeries.
La part croissante qu’occupe les marketplace dans le chiffre d’affaires des galeries rend ces dernières de plus en plus dépendantes et à la merci d’un changement brutales des conditions générales de vente.
Avec le confinement, vendre à distance a plus que jamais du sens et cette situation bénéficiera en premier lieu aux acteurs de la vente en ligne, qui fidéliseront, malgré eux, ceux qui ne peuvent plus se passer de ces revenus. Une dépendance qui a un coût élevé et qui se traduira par la mise en avant d’artistes à la notoriété établie ou qui auront accepté de réduire la part qui leur revient.

En résumé que peuvent bien avoir en commun les points suivants :
  • les ventes aux enchères d’œuvres de premier marché
  • les ventes directes en ateliers
  • la présence d’artistes dans plusieurs galeries
  • les remises aberrantes
  • les terminologies au spectre large
  • les plus values immédiates
  • l’abondance de l’offre
  • la dégradation des marges
  • le public non conventionnel

Leur point commun est de fédérer le doute, l’incompréhension et de renforcer l’idée d’un amateurisme, d’un art qui n’en est pas un et qui évolue en marge du marché avec ses propres règles. Tous ces phénomènes ne répondent pas aux fondamentaux des autres marchés de l’art et ce manque de comparaison rend difficile le positionnement du street art dans l’imaginaire d’un collectionneur aguerri ou même d’une institution.

Il est alors légitime de se demander si certains collectionneurs d’art contemporain et curateurs jugent que le street art n’est pas digne d’intérêt « plus par le manque de règles lisibles et sécurisantes que par la nature même d’œuvres qu’ils ne regardent même pas ?

Si cet état a contribué un temps au charme du street art, il pourrait revenir comme un boomerang à l’heure des arbitrages. Car rien n’est plus inquiétant que de ne pas comprendre les règles du jeu auquel nous participons.

Le street art affirme bien volontiers ses différences, plus difficilement ce qui le rapproche des autres segments de l’art contemporain. La construction, par la professionnalisation des acteurs, était en cours ces dernières années. Seulement un grand chambardement, accéléré par la crise sanitaire, est probable voire souhaitable. Il s’agira alors de construire sur des bases solides, celles qui prévalent déjà et qui sont troublées par des comportements inappropriés.

Et alors que cette crise nous interroge aussi sur la quête de sens, n’y a t-il pas une forme d’ironie à remarquer que les street artistes utilisent des codes de la pop culture pour représenter ou dénoncer notre société de consommation alors que c’est par l’arrêt brutal de celle-ci que leurs œuvres et imageries pourraient ne plus trouver preneur et disparaître aussi ?

Et s’il fallait conclure…

Le Covid-19 fait des ravages. Outre les innombrables pertes humaines, il tuera aussi de nombreuses activités, avec une surmortalité pour les activités non prioritaires dans lesquelles se classe l’art.
Alors que dire des chances de survie du street art, discipline non essentielle, tant par son poids économique que son emprise sur la société ?
Non essentielle, non nécessaire, le glissement jusqu’au superflu devient évident et face à une œuvre d’art, parions que rares seront les Voltaire à se souvenir que le superflu est si nécessaire.

Le marché du street art est déjà dans son ensemble sévèrement impacté par cette pandémie et comme son économie est très fragile, il y a peu de risques à prophétiser que de nombreux acteurs ne se relèveront pas si cette crise sanitaire bascule en crise de confiance.

Pour résumer, mes craintes pourraient se révéler rapidement tant le secteur est déjà fragile et fortement concurrentiel.
Les facteurs de risques résulteraient d’abord d’un doute en l’avenir de notre monde en général. Et ce doute ferait naître une interrogation légitime sur ce que nous considérons comme important ou essentiel.
Le street art passerait à la question et une position sage serait d’attendre des jours meilleurs, de voir comment la crise évolue.
Seulement, outre les effets de paniques collectives, les acteurs économiques du street art n’auront pas les moyens de patienter, il s’agira pour eux de générer de la trésorerie à tout prix. Nous verrons alors apparaître, sur le marché, la production pléthorique stockée par les galeries notamment. Les œuvres seront bradées et les sommes récupérées pourraient s’avérer insuffisantes pour compenser les pertes accumulées. Dans cette hypothèse, les artistes, principales victimes d’une histoire qui les dépasse, ne seraient jamais payés, de même que certains collectionneurs jamais livrés.
D’autre part, pour espérer sortir rapidement de la crise qui s’annonce, nous professionnels du street art devront corriger collectivement les maux et pratiques qui brouillent notre image auprès de certains publics.

Dès ces premiers signes, d’autres acteurs viendront compliquer l’avenir du street art.
En premier lieu les collectionneurs, qui n’achèteront plus et seront aussi tentés de réaliser des plus values latentes en vendant certaines pièces de leur collection. Cette spirale entraînerait une baisse rapide de tout le secteur et donnerait des signes très négatifs au marché qui exploserait par la destruction successive de son business et de son image, ou l’inverse.

Je pense que nous ne pourrons pas échapper à ce scénario, d’autant qu’en parallèle le monde de l’édition et le milieu associatif seront contraints par des baisses substantielles de revenus et de subventions.
La question sera de savoir qui pourra résister jusqu’à la reprise pour reconstruire un maillage proche de l’actuel ?
Car j’en suis convaincu, un redémarrage aura lieu dans un marché totalement redéfini et pourquoi pas pleinement intégré à l’art contemporain.

Plus que jamais nous allons éprouver la solidarité et notre capacité à nous mobiliser pour défendre un bien commun qui dépasse le monde de l’art pour s’insérer au cœur de la société et des pratiques urbaines.
A la sortie du confinement et dans les mois qui suivront, il y aura beaucoup de casses dans le street art, peut être plus que pour les autres disciplines de l’art contemporain. Ceux qui seront toujours présents pour défendre cet art auront besoin du soutien du public, collectionneurs ou pas. Malheureusement, il n’y aura pas beaucoup d’autres aides à attendre.

 

Joël Knafo
Tribune publiée vendredi 3 avril 2020

 

 

  • avatar image
    jadartbulimia
    avril 4th, 2020 at 8:43

    Si cet article fait peur, il rassure aussi par l’intelligence du propos et les pistes envisagées pour ralentir et amortir la chute.
    A diffuser le plus possible pour que chaque acteur – en particulier collectionneurs et galeries – soit conscient du risque d’adhérer aux pratiques désespérées qui sont évoquées et maintienne la confiance.
    A bientôt dans votre galerie je l’espère !

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    RNST
    avril 6th, 2020 at 8:00

    je trouve votre analyse intéressante sauf que la particularité des artistes (urbain) est qu’ils sont apparus du fait de n’avoir pas de place ailleurs que dans la rue et on pratiqué un « do it yourself » de ce qu’est devenu le street art. A ce jour effectivement l’urgence de la situation peu précariser encore plus les artistes .
    Mais du fait de cette vrais pratique « démerde » de l’art urbain je ne doute absolument pas du rebond que les artistes vont opérés. et peu être même ramener cette discipline a son essence même. la rue, sa gratuité, et si derrière viens la reconnaissance financière c’est tant mieux. large questionnement,  » l’avenir nous le dira… « 

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